Équilibrer l’interaction sociale et la prévention des maladies : les leçons à tirer de la nature

By Keith Sones
By Keith Sones

Consultant Ceva

Partout dans le monde, les hommes politiques s'efforcent de trouver un équilibre entre la protection de la santé de leurs citoyens et la possibilité d'interagir les uns avec les autres dans un cadre social et commercial. Pour les aider à décider des avantages relatifs à sauver des vies et à préserver les systèmes de santé en limitant les contacts sociaux tout en ouvrant l'économie pour protéger les emplois et les sources de revenus, les politiciens sont guidés à des degrés divers par des conseils d'experts scientifiques et médicaux.

Une étude récente de Valéria Romano et de ses collègues français et japonais, publiée dans la revue Trends in Ecology & Evolution [1], offre une perspective nouvelle et innovante. Elle traite de la manière dont les animaux sociaux (allant des fourmis aux singes) gèrent le compromis entre la socialisation, comme le partage d’informations sur une bonne source de nourriture ou la toilette mutuelle, et la prévention de la propagation de maladies infectieuses entre les membres du groupe.

Folger Shakespeare Library digital image collection.

Les auteurs rappellent que Shakespeare était conscient de ce compromis il y a déjà plusieurs centaines d’années. Dans la deuxième partie de sa pièce Henry IV, écrite à la fin des années 1590, il écrit : « Il est certain que l’esprit et l’ineptie sont contagieux et s’attrapent comme des maladies ; par conséquent, que les gens prennent garde à la compagnie qu’ils fréquentent. »

Mais les auteurs poursuivent en expliquant que la nature a beaucoup plus d’expérience dans ce domaine que l’être humain :

Notre compréhension moderne de la propagation des agents pathogènes et de son atténuation date d’il y a moins de deux siècles, alors que depuis des centaines de millions d’années, l’évolution trouve des solutions à ce défi crucial auquel la nature est confrontée

Trends in Ecology & Evolution, October 2020, Vol. 35, No. 10

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La revue explique que, chez les animaux sociaux, un large éventail de systèmes de défense a été développé pour prévenir ou répondre à l’infection par des agents pathogènes. Outre les réponses immunologiques, certains animaux présentent également des comportements tels que l’hygiène et l’automédication mais, selon les auteurs, les mesures d’évitement social restent les plus utilisées.

Il peut s’agir d’individus infectés qui s’isolent d’eux-mêmes, peut-être en raison d’un état de léthargie provoqué par la maladie et qui limite naturellement leur capacité à interagir, ou d’individus non infectés qui reconnaissent et évitent les membres infectés du groupe, voire d’individus s’isolant avec des individus infectés et ainsi chassés du groupe.

Des exemples sont cités pour un large éventail d’espèces :

En mettant l’accent sur le rôle des individus, qui naviguent dans leur cercle social et contribuent aux différents flux au sein de leurs réseaux respectifs, on souligne que les stratégies efficaces de lutte contre les épidémies dépendent des sommes collectives des comportements de chacun. Nous avons prouvé que des solutions existent chez les animaux sociaux, et que, comme chez l’homme, d’autres espèces peuvent adapter leur taux de contact, leurs modalités de communication et la structure de leur réseau pour limiter la propagation des agents pathogènes

Trends in Ecology & Evolution, October 2020, Vol. 35, No. 10

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Tout comme l’épidémie de grippe espagnole il y a plus de 100 ans, en attendant l’introduction d’un vaccin efficace, le principal outil utilisé pour contrôler la pandémie actuelle est la distanciation sociale. Cet article rappelle opportunément que la même stratégie a été utilisée dans la nature par diverses espèces bien avant l’évolution de l’homme.

Trends in Ecology & Evolution, October 2020, Vol. 35, No. 10 https://www.cell.com/action/showPdf?pii=S0169-5347%2820%2930184-1

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